Les cadrans selon Jean Singer

Figurer parmi les meilleurs fabricants de cadrans de Suisse a toujours été son objectif. Aujourd’hui, la maison sert les plus grands noms de l’horlogerie qui apprécient sa ponctualité et la qualité de ses produits.

Depuis presque un siècle, l’entreprise Jean Singer conceptualise et réalise des cadrans pour les plus grandes manufactures horlogères helvétiques. Cette entreprise familiale fut créée en 1919 par Jean Singer et son épouse. Elle prit pied dans une petite villa, rue des Crêtets 32 à La Chaux-de-Fonds, à l’endroit même où elle se trouve encore aujourd’hui. L’horlogerie suisse est alors en pleine ascension et la demande pour des produits fiables et esthétiques est très forte. A la fin des années 30, leur fils Paul-Emile succède à ses parents, épaulé par son épouse d’origine française, Jeanne Singer-Vieille. L’entreprise devient alors une société anonyme (1935).

En 1951, Paul-Emile Singer décède brutalement, laissant son épouse Jeanne seule, sans descendants, à la tête d’une entreprise en plein  développement, occupant alors 300 personnes. Prévoyant, il avait mis en place une équipe dirigeante de cinq mem-bres, dont Rolf Engisch, juriste de formation, à la tête. Grâce à ce quintuor, la maison occupe une place importante au sein de l’horlogerie helvétique, devenant le plus important fabriquant suisse de cadrans avec plus de 450 employés, derrière la société Flückiger de Saint-Imier.

En 1971, Jeanne Singer décède et lègue l’entreprise à son équipe dirigeante. La terrible crise qui touche l’horlogerie suisse, de plus en plus gravement dès la fin de l’année 1973, aura raison de l’esprit de corps des cinq dirigeants de l’époque. Les quatre directeurs sectoriels remettent leurs démissions à Rolf Engisch. Ce dernier reprend alors les rênes de la maison tout en s’entourant d’une nouvelle équipe dirigeante.

A son tour atteint dans sa santé alors qu’il n’a que 54 ans, Rolf Engisch appelle son fils Jean-Claude à la rescousse, lequel vient de terminer ses études d’ingénieur EPF quinze jours plus tôt. Bien que n’ayant jamais envisagé ni souhaité reprendre l’entreprise, celui-ci poursuit l’aventure familiale jusqu’en  2010, son père n’ayant jamais retrouvé une santé suffisante pour se remettre au travail.

C’est ainsi que la maison est restée familiale et indépendante. A ce jour, elle est dirigée par Joris Engisch, troisième génération du nom, qui a rejoint l’entreprise en 2007 aux côtés de son père.

Au cœur du bâtiment historique que la firme occupe, tout est méandres et labyrinthes. Pourtant, l’emplacement de chaque département est bien défini et chacun d’eux suit le flux logistique de la conception des cadrans et des appliques. La firme dispose même de son propre atelier de mécanique assurant ainsi la conception d’outillage spécifique. La création d’un cadran, qu’il soit épuré ou très compliqué, nécessite de nombreuses opérations dont l’implication est parfois invisible et pourtant indispensable.

Les cadrans
Il n’existe pratiquement pas deux collections de cadrans identiques tant leur conception est diverses. Visage de la montre, le cadran fait l’objet de toutes les attentions chez Jean Singer, du Bureau technique, qui accueille les projets déjà élaborés ou les simples vœux des clients, à celui du Contrôle  technique et esthétique, ultime étape passée par les pièces avant d’être livrées aux clients. Alliant tradition et nouvelles technologies, Jean Singer répond aux demandes aussi complexes que diverses.

Il existe deux typologies de cadrans: les cadrans avec décors frappés sur de grands balanciers fabriqués unitairement qui sont majoritairement en laiton mais qui peuvent également être en métaux précieux (or, argent ou encore platine) et les cadrans non frappés, fabriqués dans une bande de laiton. Dans les deux cas, tous les trous (notamment centres, ouvertures guichets, phase de lune ou encore trous dans lesquels vont venir se loger les pieds des appliques) sont réalisés à l’aide de poinçons et de matrices ou par l’entremise de centres d’usinages ultramodernes. La dernière opération étant le soudage des pieds, éléments indispensables pour la suite des opérations de fabrication, qui seront également utilisés pour fixer le cadran sur le mouvement dans la majeure partie des cas.

L’ébauche brute ainsi obtenue sera adoucie pour enlever les imperfections et polie afin de lui donner de la brillance avant de poursuivre sa réalisation. Viennent ensuite les phases de terminaisons qui vont réellement donner les traits de caractères aux cadrans. Il existe tout d’abord deux préparations de fond bien distinctes, soit les préparations brossées (soleil, vertical, horizontal ou encore circulaire), soit celles giclées qui matifient la surface. Ces différentes textures seront ensuite mises en valeur par l’ajout d’un traitement de surface qui va réellement donner vie et couleurs aux cadrans. Cette intervention peut être de nature galvanique, vernie ou laquée. Autre spécialité historique faisant la renommée de la maison, le PVD (Physical Vapor Deposition), fine couche technique recouvrant les cadrans, qui apporte aussi éclat et couleurs aux surfaces. Il est également possible de donner un caractère unique au cadran en utilisant certains éléments précieux ou naturels comme la nacre, la pierre, le bois, la météorite, etc. Finalement, les cadrans sont enduits d’une fine couche translucide appelée le zapon, qui protège ceux-ci de la corrosion et amène un rendu esthétique supplémentaire (brillant, mat, semi-mat, supermat, etc.). Ainsi protégés, la décalque du tour d’heures, de la minuterie et d’autres décors sera réalisée par  tampographie en fonction des désirs du client. Passé ce stade de la fabrication, le cadran est prêt à accueillir la pose des appliques, logos et autres symboles.

Les appliques
La maison chaux-de-fonnière maîtrise également toute la conception des appliques que ce soit par frappe/découpage, par usinage CNC ou encore par des technologies laser. Travail qui demande autant de patience que de minutie tant les pièces sont petites et difficiles à manipuler. De formes simples ou complexes - plates, arrondies, galbées, facettées, creusées d’une loge pour recevoir de la matière lumineuse -, elles se déclinent en chiffres romains, arabes, guichets divers, logos de marques, symboles ou sous forme de chatons dans lesquels un sertisseur de la maison y apposera des diamants. Majoritairement en laiton, celles-ci peuvent être également réalisées dans d’autres matériaux - comme l’aluminium - pour être ensuite éloxées, voire en or pour les marques les plus prestigieuses.

Posage des appliques
Cette opération sollicite une très grande dextérité et une patience hors paire tant les pièces sont petites. Leur pose nécessite la plus grande précision afin de ne pas blesser l’applique et/ou le cadran. Index, chiffres, guichets, logos et symboles sont assemblés sur le cadran et fixés par rivetage mécanique, par collage ou encore par soudage laser et/ou un mélange des trois.

Indépendamment de tous les contrôles effectués au cours des nombreuses étapes de fabrication (quelques dizaines pour les modèles les plus simples, beaucoup plus pour les plus compliqués), ces «pièces d’art» font encore l’objet de vérifications finales minutieuses afin de s’assurer que les dimensions sont bien respectées et détecter toutes anomalies, rayures ou autres altérations non désirées.

Logistique
Afin d’orchestrer les flux complexes nécessaires à la fabrication des cadrans, Jean Singer a développé, en partenariat avec une entreprise régionale, une interface logistique novatrice. Celle-ci permet de suivre de manière extrêmement précise le flux des pièces à travers les ateliers en gérant en temps réel les priorités demandées. Une passerelle dédiée aux clients permet même à celui-ci de voir l’avancée des commandes et d’en définir les priorités.

Filiales
La maison Jean Singer possède une filiale de plus petite taille, située à Peseux, Someco SA occupant une soixantaine de collaborateurs. Vivant historiquement dans l’ombre de sa société mère, elle est capable, tout comme Jean Singer, de réaliser l’ensemble des processus de fabrication du cadran de manière totalement indépendante que ce soit pour des clients avec des volumes industriels ou de petites marques recherchant la réactivité et le dynamisme que peut offrir une société de cette taille. Jean Singer emploie quant à elle 250 personnes, main-d’œuvre extrêmement qualifiée œuvrant au sein de l’entreprise depuis de nombreuses années. Tous les produits issus des deux entités sont garantis Swiss made.

Si Jean Singer figure aujourd’hui parmi les meilleurs et derniers fabricants de cadrans suisses indépendants, c’est parce que ses dirigeants ont toujours défendu une culture d’entreprise fondée sur des valeurs familiales, comme la rigueur, l’écoute du client, la transparence et l’ouverture d’esprit. Aujourd’hui, plusieurs milliers de cadrans sont fabriqués chaque jour à La Chaux-de-Fonds et se retrouveront dans les plus grandes marques horlogères du pays.

19.5.2016