La fin d'un mirage chinois à Ajman?

Après trois ans de lutte anticontrefaçon soutenue aux Emirats arabes unis, la FH met le cap sur l’émirat d’Ajman où le faux prévaut sans insouciance. Un raid dans un centre commercial a permis la saisie de quelque 18’000 fausses montres.

Depuis l’automne 2011, les efforts de la FH en matière de lutte anticontrefaçon aux Emirats arabes unis se sont concentrés sur les vendeurs et importateurs situés dans l’Emirat de Dubaï. C’est dans ce dernier, attirant la grande majorité des touristes visitant le pays, que l’essentiel du trafic de fausses montres suisses se réalisait. L’imparfait est employé car de récents événements sont venus colorer quelque peu cette situation que tout un chacun imaginait pratiquement monochrome.

En trois années, grâce à ses mandataires et à l’efficacité de la police de Dubaï, pas moins de 300’000 fausses montres suisses ont été saisies dans cet émirat au travers des actions de la FH. Deux observations expliquent l’ampleur du fléau dans cette ville-état. Tout d’abord, un flot incessant de touristes venus du monde entier admirer les tours surgissant du désert, faire du shopping ou encore se prélasser sur les plages. A n’en pas douter, les richesses largement exhibées d’un petit nombre font saliver plus d’un vacancier possédant des moyens plus modestes et désirant se montrer sous ses meilleurs atours dans cet univers du paraître. La tentation est alors grande de céder aux sirènes du faux en suivant les appels non pas de la prière, mais des noms des plus grandes marques susurrés avec des accents typiques d’Asie du Sud par des rabatteurs très nombreux dans les souks et marchés.

La deuxième piste de réflexion est la suivante: Dubaï est devenu en quelques années une des plaques tournantes les plus importantes pour le flux de marchandises, majoritairement en provenance d’Asie et à destination du Moyen et Proche-Orient, de l’Afrique, de l’Europe et des Amériques. La volonté politique locale de mettre à disposition d’énormes zones franches très peu soumises à inspection y est certainement pour beaucoup. Par ailleurs, le commerce sur le territoire est florissant et très concurrentiel. Cette situation offre un terreau fertile à toutes sortes d’importations et de commerce. En peu de temps, Dubaï s’est également transformé en exportateur de marchandises vers les pays de la région. Ainsi, selon certaines sources, les marchandises, contrefaites ou originales, qui ne sont pas toujours vues d’un très bon œil par les autorités de certains pays alentours - comme l’Iran ou l’Arabie Saoudite - se retrouvent souvent dans des camions ou des embarcations en bois en partance des ports dubaïotes.

Apparemment, la pression exercée par les saisies mentionnées plus haut commence à se faire sentir et, de l’aveu de certains trafiquants, il est maintenant plus facile et plus sûr de s’approvisionner via l’émirat voisin d’Ajman. Cette information obtenue par nos mandataires et conjuguée à l’existence relativement récente d’un grand centre commercial dédié aux produits d’origines chinoises - le China Mart ouvert dans ce même émirat - a éveillé l’intérêt de nos investigateurs.

Une fois les repérages effectués et les premiers contacts avec les autorités d’Ajman établis par ses mandataires, la FH a envoyé deux de ses collaborateurs pour assister à des raids visant justement des échoppes du China Mart. Ce centre commercial n’avait encore jamais fait l’objet de perquisition par les autorités. Ce qui a été largement prouvé par l’insouciance avec laquelle les commerçants chinois étalaient leurs faux produits dans leurs magasins. De véritables cavernes d’Ali Baba renfermant des montagnes de faux produits!

Une telle «première» nécessitait d’obtenir le soutien de la police au plus haut niveau, raison pour laquelle les mandataires de la FH avaient organisé la veille des opérations une rencontre avec le chef de la police d’Ajman, un général brigadier qui assurait ses visiteurs de la pleine collaboration de ses hommes.

Et le soutien fut réel. Le lendemain, quatre commerces recevaient, à leur grande surprise, la visite d’officiers de police accompagnés par les représentants de la FH, employés et mandataires. Plus de quatre heures furent nécessaires aux quatre équipes intervenantes pour mener les raids et trier les marchandises, seules les contrefaçons des marques pour lesquelles des procurations existaient pouvant être confisquées. Deux commerçants chinois tentèrent bien d’expliquer aux policiers présents, document rédigé mi en arabe mi en chinois et muni de multiples signatures et tampons à l’appui, qu’ils étaient d’accord qu’on leur confisque les fausses montres, mais que pour certaines marques, par ailleurs très connues, ils avaient une autorisation écrite des autorités et pouvaient donc en faire commerce. Malgré les protestations proférées dans plusieurs langues, plus de 18’000 fausses montres suisses furent empaquetées et emportées ce jour là.

A juger par la précipitation d’autres marchands chinois, qui n’étaient pourtant pas visés par les mandats de perquisition, à vider leurs magasins de faux sacs ou autres parfums contrefaits alors que l’opération battait son plein, et par le fait que la plupart des magasins du China Mart affichaient porte close à la fin des hostilités, on peut sans trop se tromper penser qu’il y aura «un avant et un après» dans l’ambiance régnant dans ce petit coin de Chine aux confins du désert Rub al-Khali.  

05.3.2015